À la fin des années 1980, Barcelone traîne une image de ville industrielle austère. Ses plages sont sales, polluées, et souvent désertées. Certains de ses quartiers périphériques sont comparés à un Manchester d’un autre siècle : gris, ouvriers, délaissés. Les financements publics se font rares, et la ville semble oubliée des grandes ambitions nationales. Il n’est donc pas étonnant que la perspective d’organiser un événement d’une telle ampleur suscite scepticisme et interrogations.

Et pourtant, ce sont précisément ces Jeux olympiques qui vont servir de catalyseur à une transformation urbaine et sociale sans précédent. En seulement six ans, Barcelone va se muer en un immense chantier à ciel ouvert. La ville entame une reconversion radicale de ses infrastructures : axes routiers repensés, quartiers entiers rénovés ou reconstruits, création d’espaces verts, modernisation du réseau de transport, assainissement des plages et réaménagement du front maritime. Là où s’étendaient auparavant des zones industrielles abandonnées surgissent des quartiers modernes, tournés vers la mer et ouverts sur le monde.

Les habitants, bien que souvent gênés par les nuisances de ces travaux colossaux, assistent à une véritable renaissance. Beaucoup racontent avoir vécu durant des années en marge de plages délaissées, bordées d’entrepôts et d’usines, avant de voir, presque du jour au lendemain, leur quotidien transformé par une promenade maritime animée, des plages propres et accueillantes, et une nouvelle dynamique urbaine

La ville prend un nouveau visage : moderne, attrayante, méditerranéenne dans toute sa splendeur.

Le succès des Jeux olympiques de 1992 marque un tournant. L’événement, salué pour son organisation exemplaire, permet à Barcelone de se faire connaître à l’international et d’attirer les regards du monde entier. Ce n’est plus une ville en marge, mais une métropole européenne en plein essor. Le tourisme explose, les investissements affluent, les congrès internationaux s’y succèdent. Le secteur du MICE (Meetings, Incentives, Conferencing, Exhibitions) y trouve un terreau fertile, contribuant à renforcer encore davantage l’attractivité de la ville.

Un succés non sans conséquences.

Barcelone est aujourd’hui victime de son engouement. Entre surtourisme, pression immobilière, et gentrification de nombreux quartiers, la ville voit émerger de nouvelles tensions. Le nombre de touristes a été multiplié par plus de 17 depuis 1990, bouleversant l’équilibre entre les habitants et les visiteurs. La ville, tout en profitant des retombées économiques, tente désormais de réconcilier développement durable et attractivité mondiale.

Il est fascinant, et presque difficile à croire, qu’il y a à peine cinquante ans, Barcelone n’était qu’une ville secondaire du sud de l’Europe, loin de l’aura culturelle, architecturale et touristique qu’on lui connaît aujourd’hui. Les géographes et urbanistes citent régulièrement le cas de Barcelone comme un exemple emblématique de « renaissance urbaine par l’événementiel », un modèle certes inspirant, mais dont les limites apparaissent aujourd’hui plus clairement.